MILITAIRES ET FONCTIONNAIRES
DE L'ANTIQUITÉ TARDIVE
À ESCOLIVES-SAINTE-CAMILLE (YONNE) ?
•
Michel KASPRZYK *
Mots-clés Escoiives-Sainte-Czmi/k, An/iquit' ,ordi,", mili ta ria, jibukt セ」ゥヲッュオウN@
uinturons, praetorium.
Key-words Escoiives-Stzinrt!-Czmijk, urt! Antiquiry. Miliraria, crVJsbow brooclm.heft firrings. praetorium.
ョゥ ァエA@
Fiht/n, Gürttl, praetorium.
Schl üsselworter Esco/ivrs-Sainu-Camillt!, Spittanti!u. Miti13ria, ォイエAオセョ
u site antique d'Es«Jlivn-Saintt:-Ûtmilk (Yonne), foui/ii tkpuis 1955 et dhornulÎJ intuprbl aJm1!'t Itlln! un vaste hablisummt rural. Il iillri un nombrt! importa1ll d'objets npparlma1/! aux militairt!s ou nux flntûonnairn dt! l'Antiquité tllrdive. Ltur étude
permet d'avonur dt! ョoiャ
エAャセ@
ィケーッヲセウ。@
sur la fonction du Jitt li la Jin dt! tAn/iquit/.
Résumé
Abstract Tk ROmJ1n sitt! of Esco/ivtf-Sainrt-Czmi/k (Yonnr), acavattd sinu J955 and now intnpTt!ttd as an important rural sntkmmt. has providd a substamial numbtr ofitmls btûmgin% to tht miJitary form or officiais from tht /nu Amiquity. Tht Sludy ofthm
objtctJ bringr out a numbtr of ntw hypotlmn rtgarding rht fonction oftht Jitt at tht nui ofthis pmod
Zusammeofassun g Dit Stit 1955 ausgtgnlbtnt antikt Fundstiittt W)II EsCf)/illts-Saintt-Cami/k (yonnt), dit nun ais tin grofîtr
Guuhof gt{uuttr セョu@
Irann, hat t int grofît Anzahl an Gtgtnstiindtn gtlitftrt, dit MiJitiirs odtr Btamttn rkr Sparantilrt gthiin
habtn. セョ@
Unursuchung trl4ubt ts, ntut Hypothtun baiigJich dtr RoJk tin Plnrus in rkr Spiitantilu fl(JrzuKhlngtn.
PRtsENTATION DU SITE
L.:établissemenr antique d'Escolives-Sainte-Camille se
situe d ans la cité d 'Aucun, à dix kilomètres au sud de
l'agglomératio n secondaire d'Autissiodurum 1 Auxerre
(fig. 1), elle-même promue au rang de ciVitM au d ébuc de
l'An tiquité tard ive (VOISIN, 2002). Une importante voie
reliant C halon-sur-Saône à Boulogne par Aurun, généralement attribuée à Agrippa (D ELOR, 1993), passe à deux
cenrs mètres du site, sous l'actuelle Rou te Nationale 6
(fig. 1).
Le site se trouve en bordure de la terrasse alluviale de
l'Yonne, au pied d ' un plateau calcai re. Une source de
• type vaudusien, donnant naissance au Ru du C reusot,
qui lo nge le site au sud puis à l'est, sourd à proxim ité
,
• Doctorant. EA 1865 de
ャ Gu
ャ ゥケ・
Revue Archéologique de l' Est.
イ U ゥャ セ@
t.
immédiate d e l'occupation romaine (fig. 1 et 2). Il apparaît que cette résurgence était aménagée à l'époque
antique (LAURENT, 1991). Le cours du Ru du C reusot
semble avoir divagué depuis l'Antiquité dans la mesure
où il recoupe actuellement une partie des Structures
romam es.
Le site, inventé en 1955 par R. Kapps suite à la
découverte de sépultures mérovingien nes, a fait l'objet de
programmes de recherche ininterrompus jusqu'à la fi n
des années 1980. Depuis, fouilles et sondages so nt devenus pl us ponctuels. Près d e 9 000 mètres carrés de structures ont été dégagés, mais il ressort clairemen t qu' une
grande panie de l'occupation a échappé aux investigatio ns archéologiques ( LAURENT, 1999 ; LAURENT, 2002).
de Bourgoglle ; w .kaspnvk@wageos.oow.
53-2004. p. 239-252 C SAE 2005
240
MICHEL KAsPRZYK
o
m
Les fouilles om permis de dégager un très abo ndam
mobilier, en grande partie inédit à ce jour. Seule la
tabletterie (PROsr. 1983; RODET- B ELARB!, VAN OSSEL,
2003, p. 335-336) et une partie des objets de parure
(PROST, 1984) om fait l'o bjet de publications détaiIJées.
Parmi le reste du mobilier, un inventai re préli minaire a
Fig. 1. Localisation du riu d'Esro/iun-Soinu-Cami/k
(d'nprh LAURENT, 1999).
se co mposent de neuf armes ou éléments d 'armes et d e
dix-sept objets liés à l'équipement personnel. CLnq objets
à l'identification in certaine Ont été joints à cet ensemble,
malS ne SOnt pas relenus dans le développement des
conclusions générales.
permis de mettre e n évidence de no mbreux objets attri-
buables à la sphère militaire ou à la fonction publique de
l'Antiquité tardive l ,
Ces objets couvrent à peu près (Qut le spectre de ,'armement et de la parure individuelle de cette période. Us
1. Inventaire réalid cn mai 2002, avec b. collaboration de N . TISSerand
(nudianl. u ョゥ カ」イウゥオセ@
de Bourgogne) CI J. Pcdtcolîn. Je Il:mcrcic
P. uUll:m (doctorante, uョゥカ」イウェャセ@
de Bourgogne) de m'avo ir accueilli Ct
offen IOUl e ヲ。」ゥ
ャゥサ セ@ pour セiオ、
ゥ 」 イ@ ct: mau!riel, P. Nouvel (doctorant,
uョ
ゥ カ・イウ
ゥャ セ@ de Bourgogne), B. Fon (INRAP) el Y. Lalnune (Service
Arch&>logique de la Ville d'AUlun ) pour leurs remarquC$ el rcIeclUrcs.
LE matセriel@
Armement
Armes d'estoc
Les armes d 'estoc sont représentées par deux
éléments. Le premier (fig. 3, nO 1) est un élément de soie
sur lequel est encore fi xée une poignée cannelée en os
particulièrement caractéristique (PROST, 1983, p. 267,
pl. Il , nO 33). L'arme étant brisée à hauteur du départ de
la lame, J'intervalle entre la partie distale de la poignée et
Revue aイ」ィセッャァゥアオ・@
de l'Est,
1.
53-2004, p. 239-252 CI SAE 2005
M1UTAlRES ET FQNCl10NNAIRES DE
t.'ANnQum TARDIVE À
EsCOUVES-SAlNTE-C!.MILlE (YONNE)
241
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....
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Fig. 2. Plan gin'ml tin fouilla du siu d'Escoliws.&zinrr-Camilk (d'4prh /(ApPS, 1913 セエ@ LAURENT, 2(02).
En grisl, it4ts (lndms min aristJInts (lu Bas-Emp;rr (tMrmn, npau DG). tch. IIJOOU.
le d épart d e la lame correspond sans doute à l'emplacem em de la garde disparue. Ce type de poignée apparaît
sur quelques épées longues des Ille et Ive sièdes 2, mais
paraît plus courant sur les glaives du Haut-Empire.
Ainsi, à Augst, ce type de poignée est attesté dans des
contextes datés de la seconde moitié du let S. à la fin du
mC s. a p. J.-c. (D ESCHLER-ERB. 1999. 135. nOS 98 et 99).
Sans contexte stratigraphique pertinent, il est do nc difficile d'anribuer avec certitude cet objet au Ive s.
2. t ッュセ@
fig. 630).
dc Colognc 1 &wrinsto,. (MAKllN-KtLCHER, 1985, p. 156,
Revue Archéologique de l' Est, t. 53-2004, p. 239-252 C SAE 2005
Le site d 'Escol ives a d 'aurre part livré un fragment de
pontet de spatha en os (fig. 3, nO 2 = PROST, 1983,
p l. V1l, n° 109) d 'un type cou rant au III C et au Ive siècJes
(OIDENSTEIN. 1976. p. 102- 103. pl. 14. n O65).
Annt'S 、セ@ ェセャ@
Les armes de jet, au nombre de sept, SOnt notamment représentées par deux objets particulièrem ent rares.
Le premier est une pointe d e lance à barbelures
(fig. 3, nO 3), ou Widn-hakmlanze, une arme que l'on
attribue fréquemmen t aux troupes fédérées tardives
(BISHOP, COUlSfON. 1993, p. 161 - 162). Il s'agit en effet
d' un type o riginaire de Germanie Libre. particulièrement
fréquent dans les sépultures. sanctuaires de tourbière et
242
MICHEL KA,sPRZYK
) 1
-
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5
6
Fig. 3. Armn (lU IItmmts d'annn d/l siu d'Esrolivtt-StIinu-Cami/k. 1. (Il セエ@ for; 2.
t,ho 213. M.K dd. (J n2 d'apm PROST, 1983).
habitats de hauteur (BISHOP, COULSTON, 1993, p. 160 ;
HOEPER, STAUER, 1999). C'est sur cene arme que s'ap-
Dl"
3, 5 ik 9. for; 4. for l'r pMmb.
contexte romain est relativement large et couvre tou te la
période du Bas-Empire. La majorité des exemplai res
puie le général vandale Stilichon sur le célèbre diptyque
de Monza. Peu courante en Gaule, clle est généralement
co nsidérée comme un indice de la présence de troupes
german iques au service de Rome 3. Sa datation en
3. C'est ;lins; qu'est expliquh b pr6ence de trois WitkrhaJrmfanu
カセ@
cbru 1:1. Sa6ne emre Chalon
1990, p. lOGe! 109, noo 125- 127).
fi
tCOU-
Verdun-sur-le-Doubs (FEUGtRE,
Revu e Archéologique de l'Est, t. 53·2004, p. 239·252 C SAE 200S
MIUTAIRES ET FONCTIONNAIRES DE L'ANTIQUITI TARDNE À EscOLlVES-$AI1'IT'E-CAMILLE ( YONNE)
datés semblent tourefois appartenir à la seconde mo itié
du Iv<' et au v<' siècles 4.
Le seco nd est une po inte de lance plombée, ou p/umhala (fig. 3, nO 4). Il s'agit d'une arme de jet lestée (la
panic conservée pèse près de 150 gram mes), co nnue
noramment par les descriptions de Végèce q ui l'appelle
plumhatn ou mattioharhu/us Hvセ g エce
N@ Epitome Re;
Mi/itam, I 17 ; Il 15- 16; III 14 ; IV 2 1, 29, 44). Tout
comme la Wùkrhaken/anze dont elle dérive peut-être, il
s'agit d'un type d'arme caractérisrique des occupations
militaires de l'Amiquité tardive, très rare en Gaule intérieure (SOlITHERN, DIXON , 1996, p. 114). T. VôUi ng
(1991 ) a dressé une liste des découvertes qui indique que
ce type d'arme ne se retrouve qu'à proximité de la fron tière de l'Empire S.
Trois pointes de javel ine à douille complètent la série
des armes de jet. Les deux premières (fi g. 3, nOS 5-6)
possèdent une Hamme à barbelures qui paraît appeler
une datation tardive 6. La dernière, en fo rme de feuille
de laurier (fig. 3, nO 7), est d'un type plus ubiquiste,
mais attesté notamment dans des sépultures d'auxiliaires
germaniques de la première moitié du v<' siècle 7, sans
qu' il soit possible de rattacher ce type d'arme à ce groupe
ethnique. Ce type de poin te est d'ailleurs attesté dans des
conrextes militaires romains de toutes périodes.
Signalons enfi n la présence de deux pointes de
Hèche. La premihe, à douille, n'appelle pas de commentaire paniculier (fi g. 3, nO8). En revanche, la seconde est
d' un type remarquable et beaucoup moins répandu
(fig. 3, nO9). Sa particul;u ité réside dans son emmanchement à soie et dans ses trois aBerres. Son profil triangulaire permet de l'attribuer au type 2 de W. Zanier (1988.
p. 6). attesté dans des conrextes allant du 1er au Iv<' s. ap.
J.-c.
(ZANIER, 1988, p. 6; BISHOP, COUlSTON, 1993,
4. u, dipryque de Monu dale de la fin du Ive - d&ul d u ve s. ap. J.-c.
(BlsHor. CoUlSfON, 1993. p. 164, fig. 118). Cette arme est イ・ ーイ セ ョエFN@
sur la cei nture en o r d u milieu d u yc s. du dtp61 de Szilagysoml yo
(GSCHWANJU,R, 1999, p. 67, fig. 10) el apparaÎI nOlammenl dans la
stpuItu re 1330 de Krefcld-GeUep, dalte de la fin ャy\M、セ「
オャ@
ve S.
(PIRUNG, 1974. pl. 22. Gr. 1330).
5. En Gaule, oemplai tc:S:k Mayence. Suasbourg oCt AU!;$t.
6. Une poinle similaire CSt ancslte dans la ウセ ーオャHuョZ@
43 de KrefcldGellep H 、 ・オクゥセュ@
moitit du ve s. ap. J.-c.) (P1RLlNG, 1966, pl. 43). Coe
rypoe d'objoCt CSI cependanl con nu dans dcs conlextcs de la fin du H au lEmpin::k Avenches (VOIROL. 2000. p. 47, pl. 5, n° 36).
7. C'esl ainsi le cas dans la stpulmre I l de Haillot, où ca pointoCS SOnt
a.ssociw:k des monnaioes de Ddmace, Valentinien 1 et Gratien el su rtout
:k deux bols C h. 320 、 セ 」ッイ ←ウ@ des molettes UC 124 el Haillot Xl
(BOIIME, 1974. pl. 91. n· 5).
Revue An:hfologiq ue de J'Est. 1. 53-2004. p. 239· 252 CI SAE 2005
?
243
p. 79 , fig. 43. nOS 5-9; p. 11 3. fig. 74. n 05 8- 11 ; p. 138,
fig. 97. n05 12- 19; p. 165. fig. 119, nO 5). La liste d es
découvertes d ressée par W. Zanier ind ique que ce type
d'objet se rencontre essentiellement sur les sites militaires
des provinces fro ntalières de l' Empire (ZAN 1ER, 1988 ,
fig. 2. p. 7 et liste 1). On ne saurait cependant exclure
que ces armes aient servi à la chasse. même si les découverres de tels objets en co nrexte civil en Gaule intérieure
sont très rares 8.
Éléments セ@
parure
O utre ces neuf éléments d'armes, le matériel métallique co mprend une pan notable d'éléments attribuables
à la parure militaire ou publique tardive.
Durant l'Antiquité tardive, l'équipement personnel
du soldat tend à se simplifier fortem ent par rapport à
celui du H aut-Empire et se compose généralement de
deux éléments récurrents: la fibule cruciforme. insign e
de la fonctio n militaire, portée sur l'épaule tête en bas et
destinée à auacher le manteau (pa/udnmenrum) 9; le
ceinturon, fréquemme nt décoré de plaques diverses et
possédant divers éléments desti.nés à la suspension d'accessoires (BULLINCER, 1969). L.:attribution systématique
au do maine militaire des cei nturons et fibul es crucifo rmes a été discutée par plusieurs chercheurs.
Le ceinturon est un élément caractéristique de l'équipement militaire depuis l'époq ue d'Auguste. Au départ
essentiellemenr destiné à la suspension des armes d'estoc,
il acqu iert progressivement une valeur symboliq ue et
devienr au cours de l'époque romaine un marqueur du
statut militaire ou administratif (AURRECOECHEA, 2001 .
p. 205-2 10 or 249-256).
Dans un premier temps. o n a considéré que le cein turon tardif appartenait exclusivement à la sphère militaire (BUW NGER, 1969 ; SIMPSON. 1976). H .W. Bôhme
8. On comprabilisoe seulement deux pointes de ャiセ ィ ・@ pa rmi les deux cenl
et M. Poux dans les d6parletn:;-u miti/aria rece nsés par M . f・オァセョZ@
men\.S de l'Htraull, de la Loire ct dans la vall&. dc la $cine (FEUGtRE.,
Poux, 200 1).
9. Celte dernihe est particulièremenl vis ible su r certaines slèles tardives
de militaires comme celle de u,ponlius :k Strasbourg, de Flavi us
Augusralis :k Aquil&., d'un cavalier :k Gamzigra d (BISHOp, CoUlSroN,
1993, p. 168, fig. 121, nO 1-3) ou de l'imagi"ift,.lanuarius :k Longueau
(So mme) (BAYARD, 2004, p. 176- 177, n· 263).
244
(1974) s'est avéré le plus fervent défenseur de cene inrerprération.
Dans son étude sur les ceinturons tardifs.
M. Sommer a m is en doute un e attribution aussi exclusive. Il a relevé en premier lieu que ce type d'objet apparaît dans quelques cas dans des sépultures fémi nines
(SOMMER. 1984, p. 86). En outre, il avance que la
présence de ceinturo ns sur d es sites civils constitue un
autre argument poUf écarter une attribution certaine à la
sphère militaire. Ces d eux observarions ont donné lieu à
un certain nombre d e contre-arguments. J. Aurrecoechea
(200 l, p. 206) remarque le caractère anecdotique de la
présence de ceinturons dans des sépultures féminines Ct
H. W. Bôhme (I986, p. 476) objecte que rien ne permet
d 'affi rmer le caractère exclusivement civil des sites où
,'on a tro uvé des ceinturons tardifs.
Actuellement, les chercheurs s'orientent vers une
attribution couvranr à la fois la sphè re militaire, m ais
aussi celle des foncrionnaires impériaux. J. Aurrecoechea
(200 I) a relevé toure un série de mentions du Code
Théodosien montrant que le ceinturon est un insigne de
la fonction publique tardive, la mi/itia non armata mortihw pn'Securol'armée sans armes - de Lactance Hdセ@
rum, 3 1).
On rencontre un peu le même problème avec les
fib ules crucifo rmes, traditionnellement co nsidérées
comme relevant exclusivement d e la sphère miliai re
(BOHM E, 1974; SIMPSON, 1976). Il semble en réal iré
que ce type d 'objet soit lui aussi lié pour partie aux
sphères admi nistratives de l'Empire tardif.
Fihules
Trois fibules cruciformes Ont été découvertes sur le
sire: deux fibul es cruciformes incomplères de type Keller
3/4 (fig. 4, n OS 1-2) et une fi bule complère de type Kel ler
3/4 b (fig. 4 , nO 3). Le type 3/4 b est daté par Prottel
dans une fo urchette co mprise entre 350 er 410 ap. J.-c.
environ. Les deux autres exemplai res ayant perdu leur
pied, leur datation est moins précise et s'étale des années
3250 4 10 ap. J.-c.
Un &agment allongé de tôle d'argent de section
convexe et décoré de fils du même métal (fig. 4, nO 4)
méri re une attention particulière. Il semblerait s'agir
d ' un arc de fibu le de type germanique oriental , mais les
petites dimensio ns du fragment empêchent un e identification [)'pologique certaine. Ces objets sont couram-
MICHEl KAsPRZYk
ment interprétés comme étant un indice de la présence
de trOupes germaniques fédérées (KAzANSKI, 1989).
Eliments de ceinturom
Le ceinturon rardi f se compose de d ivers éléments
récurrents (BULUNGER, 1969). Le plus important est
évidem ment la boucle. solidarisée au ceinturon par une
plaque en métal. Il est fréquemment orné de divers
anneaux et éléments d estinés à la suspension d'objets.
Enfin. les ceinturons tardifs possèdent souvent des
élémen ts à usage décoratif. Les plus courants som les
fe rrets, destinés à lester l'extrémité opposée à la boucle
du ceinturon, mais l'on rencont re aussi de nombreux
types de rivets et appliques décoratives rivetées.
Plaques
Sept élémenrs de boucles à plaque articulée ont été
découvertS sur le sire d 'Escolives. Il est regrettable qu'aucun d 'entre eux n'ait conservé sa boucle dans la mesure
où, à de rares exceptions près, c'est su r cet élément que
reposent en grande partie les classifications typologiques
(BUWNGER, 1969; BOHME, 1974; SOMMER, 1984 ;
SWlFf, 2000). Dès lors, il est paniculièrement difficile
d'identifier un type à partir d e la seule plaque et par là
même de dater l'objet. Toutefois, les plaques découvertes
à Escolives trouvant des comparaisons avec des exemp laires complets provenant de contextes funéraires, il
demeure possible de leur attribuer une fourchette chronologique, certes relativement lâche.
Tou tes SOnt réalisées dan s une tôle d 'alliage cuivreux
particul ièrement mince et peu résistante. Toutes SOnt d e
fo rme rectangulaire exceptée une de forme uiangulaire.
pャ。アオセ@
"ctangulaires il hords incisés
Parmi les plaques d ' Escolives, on relève deux fragments de plaques d e boucles dont le pourrour a été
décoré de fines incisions c réant un effet dentelé en
bordure de ces dernières (fig. 4, nOS 5-6) . Ce type de
décor apparaît sur une bo ucle de la sépulture 89
d 'Oudenbourg (BUWNGER, 1969, pl. XIX, n° l) ou
b ien sur le ceinturon d ' H eissheim (BULLINGER, 1969,
pl. 35, nO 2). Comme sur ce dern ier, une des plaques
d'Escolives possède en outre un décor de cercles poinrés
caractéristique de l'Antiquité tardive (fig. 4, n" 5).
Revue Archéologique de l'Est. t. 53-2004, p. 239-252 0 SAE 2005
MIlITAIRES ET FQNcnONNAlRES DE l 'ANTIQUm:. TARDIVE A. EscOIJVES-SAIl'ITE-CAMILLE (YONNE)
245
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11
à 「ャsセ@
CU;Im;
4. argmt. &h. 2/3. M.I<. d.:!.
1
Plaque rectangulaire à décor au tremow
(Sommn- 1 C A , variante 5)
S'il ne nous a pas été possible de renconrrer de ー。イャ
セ@
lèle exact à objet (fig. 4, nO7), les exemples de plaques à
décor au tremolo sonr relativemenr nombreux, q ue ce soit
à Oudenbourg. To ngres, Westerwanna o u Wizernes JO.
Revue Archéologique de , 'EsI, 1. 53-2004, p. 239-252 0 SAE 2005
10. Oudenbourg, sipuhure 1 [ l , boude de la phase Il de Bohme (400435 ap.j.-c.: BoIIME, 1987), en association av« une fibule cruciforme
type Keller 6 (BOHME, 1974, pl. %. n- 16); Tongus' dkouvene îwl6c
(BOHME, 1974, pl. 104, nO 14); Wa;tcrwanna: sipullurc 1189, boude
avec p\3que associ&. セ@ une Annhnl.$rfi,"' du VC ウゥセ ャ ・@ (BOHME. 1974,
pl. 80, n- 19).
246
Les assemblages fun éraires semblen t principalement dater
du yc siècle ap. J.-c. L.:appartenance de ce type d e plaque
à la sphère militaire ne semble guère soulever de p roblème. Selon Aurrecoechea (2001, p. 20), il s'agit d' un
type essemiellemem gaulois et italien.
pャ。アオセ@
rectangulaire décorie au "poussé
Cette plaque rectanguJaire a la particularité de posséder un décor de paims obtenus au repoussé par pression
sur le revers (fig. 4, n° 8). Ce type de décor se t rouve sur
une plaque de la sépulture 104 d 'Oudenbourg, associée à
une fibul e de rype Keller 3/4 b (BOHME. 1974. pl. 96,
n° 3), mais aussi dans la sépulture 1106 de Krc=feldGel lep ( PI RUNG. 1966. pl. 90). La présence d'une fibule
cruciforme dans la sépulture d'Oudenbourg permet de
penser que ce type de plaque peut appartenir à des ceint uro ns relevant d e la sphère militaire.
pャ。アオ
セウ@ rectangulaires sans décor
Ce type d e plaque (fig. 4, nOS 9- 10) extrêmement
simple est courant durant le quatrième siècle (SOMMER,
1984) : il apparaît ainsi plusieurs fo is dans la nécropole
de Krefeld -Gellep Il . S' il est attesté sur plusieurs types
de boucles m ili taires - Som mer 1 D , variantes 1 et 3
notamment - la simplicité de la form e interdit une attributio n exclusive à cene sphère et cen e dernière ne
semble devoir être retenue qu'à titre d ' hyporhèse.
Plaque triangulaire (Somm" 1 BA)
La plaque triangulaire d 'Escolives (fig. 4 , n° Il ) fair
partie d ' un type de boude peu répandu, que l'on
retrouve nOtamment dans la sépultu re 11 24 de KrefeldGel lep en association avec une fibul e Keller 3/4 d datée
dans une fo urchette comprise entre 330 et 410 ap. ].-c.
(PIRLING, 1966. pl. 93). Cette association permet de
supposer que ce type de plaque appartient à la sphère
militaire.
M ICHEl. KAsPRZYK
Le premier, d'un type extrêmement répandu,
consiste en une applique circulaire avec rivet et d épart
d 'un anneau en fer ici fo rtement corrodé, d estiné à la
suspension d 'ustensiles au ceinturon (fig . 5, nO 1). Ce
type d'objet est attesté dans d e nombreuses découvertes
funéraires du Bas-Empire (BULL1NGER, 1969 ; KELLER,
1971; BOHME, 1974). Celui d'Escolives possède la
particularité d'avo ir été po urvu d ' un anneau en fe r alo rs
que les anneaux en alliage cuivreux semblent bien plus
répandus.
Le second élément (fig. 5, nO 2) doit lui aussi appartenir à ce type d e garniture. O n peut soir supposer que
l'extrémité rivetée était solidarisée au ceinturon er que la
partie recourbée inférieure était destinée à recevoir un
anneau d e suspensio n ; soit, plus vraisemblablement, que
la partie recourbée était solidarisée à un anneau et que le
rivet servait d'atrache à une lanière quelconq ue, comme
su r des éléments de cei nturo n de Belleray (BULLINGER,
1969, pl. XI). Son d écor chanfreiné peut être considéré
comme caractéristique du Bas-Empire.
Un aurre objer en fer (fig. 5, nO 3) pourrait être, avec
toute la prudence nécessaire, apparenté à ce type de
suspension 12.
.é/imellts décoratifi du ceinturon
hrretJ
Trois ferrets Ont été découverts à Escolives. Les d eux
premiers (fi g. 5, nOS 4-5), coroiformes (type Sommer A) ,
en fin e tôle d 'alliage cuivreux , appartiennent à un type
très répandu au Ive siècle (BUWNGER, 1969; SOMMER,
1984).
Le d ern ier, en form e d'ampho re (fig. 5, nO 6), appartiem lui aussi à un type couram durant l'Antiqu ité
tardive (Som mer B, type A). Il possèd e la particularité
d'associer un d écor de cercles poim és et un décor au
que l'on retrouve sur quelques exemplaires ISS US
trem%
de contextes fun éraires 13 .
.éléments destinés il la SIIspension
Deux objers d 'Escol ives peuvent être classés dans ce
type d 'élément fonctionnel.
II. セ ーオャエイ
・@ 353 sur une boucle type Sommer 1 C B (P! RUNC. 1966,
790 (PIRUNG, 1966, pl. 68) ou
pl. 30), tout comme dans la ウセー オャエイ・@
bien la セー オャエイ・@
1222, en a$$OCiation avec une fibule de type Keller 5
(PtRUNG, 1966, pl. 98).
オ カ・イエ@
dans la sép ulture 4 de la ョセ 」 イ ッᆳ
12. Un objet très proche a "'t'" 、セ」ッ
pole d'Abbeville 1 Homblièrcs, en association avec une fibule Keller 5 el
un ccimuron de la phuc 1 de Bôhme (BOUME, 1974. pl. 112, n 6 6). Cc
dernie r propose toutefois 、Gゥ ョエ ・イーセ
イ@ cet obiel comme セエ。
ョャ@ un ferret.
13. À Brême· M:ohndorf, セー
オィイ
・D@ 27 (BOHME, 1974, pl. 7) el 208,
.avec une ArmbrwtjilHl de la phase 1 de Bôhme (BOHME, 1974, pL 9) ;
Krcfd d·Gellep, セーオャエイ・@
2832, en association avec une fibule eruciforme Keller 3/4 b. un gobelet lsings 96 el un barillel Isings 128
(PiRUNG, 1979. pl. 79).
Revue Archéologique de l'Est. t. 53· 2004. p. 239-252 C SAE 2005
MIUTAIRES ET FONC110NNAIRES DE L'M'11QUlTI TARDIVE À EscoUVES-SAINTE-CAMlll.E (YONNE)
247
?
®®
5
o
9
Fig. 5. Ellmmu th ainturon du siu 、ᄋeウ」ッャゥオョMs。イセcュu
N@
t. al/iav 「。ウセ@
Un dernier objet incomplet (fi g. 5, n" 7), en form e
de goutte d'eau et décoré d e cercles pointés, semble êue
un fe rret Sommer B, cype C.
•
Appliques
Deux appliques de ceinturon Ont été découvertes à
Escolives.
La première (fig . 5, n" 8), en forme de barrette à
rivets, est d ' un type courant et n'appelle aucun commentaire particulier.
Un second objet pourrait s'apparenter à ce type de
garniture (6g. 5, n" 9), sans qu' il soit possible de trancher avec certitude en raison de son mauvais état de
conservation. 11 ressemble cependant fortement à une
série d'appliques d 'un ceinturon de Dorchester
(BUW NGER. 1969. pl. LIX).
Revue aイ」ィ
セ
iッ
ァゥ
アオ ・@
de l' Est, t. 53·2004, p. 239·252 C SAE 2005
cuirm セイ@ f" : 2, 4 11 11 . 。ャOゥァセ@
bIlH cui,,"; 3. ftr. Ech. 2/3. M. K. deI.
Eliments décoratifi indltmninls
Nous finirons enfin avec deux éléments indétermi nés
rencontrés dans les collections de mobi lier métallique
d 'Escolives (fig. 5, nOS 10- 11). Il s'agit de fines tôles d 'alliage cu ivreux repliées et munies de d eux rivets. La
morphologie générale de ces objets indique qu' ils
devaient vraisemblablement être fixés à l'extrémité d 'un e
courroie ou d' une lanière. On pourrait y voir une extrémité d e lan ière de ceinturon, mais l'absence de comparaison précise ne permet pas d'être affirmatif.
Conclusion sur k matériel d 'Escolives-Sainte-Camilk
De l'étude du matériel mérallique d ' Escolives-SainteCam ille ressort un nombre élevé d'objets appartenant soit
à la sphère militaire, soit à celle d es fon ctionnai res tardifs.
248
La panoplie d'armes est variée et com pte l'essentiel des
types utilisés pa r les fa m assÎns : épée ou glaive. plumbata,
Wù:krlJakmlAnu. javelines, fl èches. Les élém ents 、 G←ア オ ゥセ@
pement personnel SO nt tour aussi nombreux puisque J'o n
retrouve plusieurs fibu les crucifo rmes et de nombreux
éléments du ceinturon militaire tardif.
La chronologie de cette occupation demeure quant à
elle moins évidente à établir. Les seuls foss iles d irecteurs
probants sont les fibules cruciformes de type KeUer 3/4,
postérieures au premier tiers du IVC siècle et en usage au
moi ns jusque dans les premières an nées d u ye siècle
ap. J.-c. Le fragment de tôle d'argent que nous identifio ns comme étant un élément de fi bu le germanique ne
doit quant à lui guère être antérieur à la phase C3 de la
chronologie germanique, c'est-à-dire le débur du
IVC siècle au plus tôt ( BIERBAUER, 1994). La chronologie
des ceinturons n'est guère précise, mais ils paraissent
couvrir tout le IYC et le débu t du yc siècle. Le: seul élément
discordant dans cet ensemble par;ûr être la po ignée d 'épée
ou de glaive, qui pourrait da(Cr d u Haut-Empire.
Po ur concl ure, il paraît prudent d 'avancer que le site
d' Escolives connaît un début de p résence militaire à la
fin du H aut-Empire, cette dernière ne devenant réellement conséquente q u'au Ive siècle. La fin de cerre occupation dem eure d iffici le à cerner, mais ne paraît pas
postérieure au milieu d u yc siècle ap. ].-c.
L.:OCCUPATION D'EscoU VES DANS LE CONTEXTE
DE LA GAULE DU NORD
Si la présence de matériel de ce type dans les établissements tard ifs n'est pas exceptionneUe (VAN OSSEL,
1992, p. 165- 168), les avis SOnt partagés quant à sa sign ification . Selon les cas, o n envisage la p résence temporaire
de tro upes, liée à la pratique de l'hospitum, c'est-à-di re
l'hébergement forcé de troupes par un propriétaire privé
(D EMOUGEOT, 1956) o u la présence d ' une m ilice privée
destinée à défendre un d om aine. La Mischzivi/isation d e
l'Antiquité tardive, qui m êle fréquemment public et
privé, est souvent censée expliquer de telles situatio ns
(VAN OSSEL, 1992, p. 168; 1995).
Il apparaît cependant que J'ensemble du matériel
d'Escolives dépasse nettem ent en nomb re les invem aires
de ce type d 'o bjets p rovenant d'établissemen ts ruraux
p ubliés en Gaule du N ord (VAN OSSEL, 1992, p. 166167). P. Van Ossel reconnaît d'ailleurs que seuls deux
sites ayant Livré du matériel de ce type parmi les trente-
MICHEL KAsPRZYX
quatre qu'il a recensés au nord de la Seine peuvent réellement s'apparenter à des étab lissements occupés par des
contingents militaires en raison de l'abondance des
découvertes 14. En l'état, seul l'établ issement rural de
Newel 1, qui a livré une fi bule et un peigne german ique,
deux fibu les crucifo rmes, une plaque-boucle et une
contre-plaque, des haches, lances et u n talon de lance,
semble en mesure d 'être comparé avec le site d' Escol ives.
En Bo urgogne, où l'on ne d ispose pas d 'inventaire
publié de ce type, ces objets paraissent toutefois peu
fréquents 15.
Nature de l'occupation dll site d 'Escolives
durant l'A"tiqllité tardive
La nature de l'occupation dépend b ien évidemment
de la nature du site occu pé. O r, il se trouve q ue l'interprétation d u site d ' Escolives a évolué dans le temps.
Dès l' invention du site et ce jusqu'en 1998, l'occupatio n romaine a été considérée com me étan t u ne agglomération secondai re d e type vicus routier, en raison de
mentions du début du vue siècle quaJifian t Escolives de
Vicus Scoliviae (Cesta pontificum autissiodomuium, 23),
mais aussi d e la proximité imméd iate de la voie C h alonsur-Saône-Sens-Bou logne. La p résence d 'éléments archirecturaux monumen taux réem ployés dans l'état tardif de
l'ensemble thermal s'accordait avec une telle in terprétation, roUt comme la présence d'activités artisanales sur le
site durant l'Antiquité tard ive (PROST, 1983).
Cerre théorie n'a été que très récemment rejetée,
suite à la découverte par pho tographie aérienne 16 d 'une
série d e conStructio ns au sud-est d u site (fi g. 1), interprétées à juste titre co m me étant u ne aile de pars rustica
d ' un vaste établissement rural (l.AURENT, 1999).
L'aJ ignemcnt de constructions de type agrico le le long d e
14. Sites de Newel 1 et Mehring J. On aurait peut-êu e pu retenir
Froinheim et KOln-Mllngersdor[
1$. Dans le cadre d' une thèse, nom avoru pu inventorier sur des sites
ruraux: des fibul es cruciformes Kel ler-Prone! 3/4b à Beaune, les
l'c:rrih es (inMit), Keller- Prouel 1 à Lacrost (HtRoN de Vlun:oSSE,
1920) et 3/4c セ@ Laerost, l'I:.pine (in&lil), Keller-Prone! 314 セ@ Anrully,
Croix- Brenot (RE80URG, 1993, p. 23), Keller-Prôue! 1 セ@ Migennes, la
Q re-Mitihe (in&lit), Keller· prottcl 3/4c à Courcelles-lb-Semur,
Ve!nl»SC (inMit) ; une .seule boucle セ@ Courcelles-lès-Semur, VeJnosse
(in&lit), deux boucles delphi niformes à Mancey, Mortepiern: et Jou-IaVille, Lavil:re Monsieur (i n&lites), une fibule en arbalète germanique à
Jou-la-Vi lle, nッゥイセョ@
(in&lite). Cet invem:aire est des plus modestes au
regard de près de trois ce:nu sites de ce type: qui om セ エ セ@ invemorih.
16. Prospections aüiennes de J.- P. Delor.
Revue An;:héologiq ue de I·EsI. t. 53-2004, p. 239-252 C SAE 2005
M1UTA1RES ET FONcnONNAlRES DE L'ANTIQUITt TARDIVE À Escot.IVES-SA1NTE-CAMILt.E (YONNE) セ@
fossés de délimiration est en effet caractéristique des
établissements agrico les de grandes dimensions dans le
nord de la Gaule (VAN O SSEL, 1992 ; BAYARD, COUARD,
1996). D ès lo rs, les vestiges auparavant dégagés, situés à
l'extrémité de la pan rustica, ne pouvaient que correspondre à la pan urbana d 'un vaste établ issement agricole
de rype vi/la, possédant un petit sanctuaire privé p rès d e
la source du C reusot (l.AURENT, 1999). A. Bouet (2002)
a récemment montré que les thermes du site devaient
plutôt appartenir à une villa qu'à une agglomération.
Dans cette o ptique, l'ensemble thermal du BasEmpire atti re une attention particulière: facilement
comparable en importance à celu i d' une riche villn
tardive d 'Aqu itaine comme Séviac, Lalonquette ou
C hiraga n (BALMELLE, 2001 ), il incite à classer le site
d 'Escolives dans la catégorie d es établissements agricoles
tardifs de type aristocratique (BALMELLE, VAN O SSEL,
2001, p. 538). La tentation d 'en faire un parallèle
septentrional d es riches vilku d 'Aquitai ne est d 'autant
plus compréhensible que ce type d 'établissement
commence à être individualisé dans la p rovince d e
Lyonnaise IV et notamment dans l'Auxerrois, le paradigme de ceux-ci étant l'impressionnant complexe de
Migennes (TAINTURJER et alii, 198 1). L'implantation
d 'une nécropole dans l'établissem ent à l'époque mérovingienne (PROST, 1981 ) trouvant un parallèle troub lant
dans la villn d e Séviac, confirmerait cette interprétation.
Dès lors, le matétiel découvert sur le site paraît
devoir être interprété comme indice de la présence d ' une
m ilice privée assurant la défense de la villn d ' un riche
propriétaire foncier.
Toutefois, un faisceau d ' indices inciterait à nuancer
forrem ent une telle interprétation, en premier lieu quant
à la nature du site durant l'Amiquité tardive.
11 est no table que les structures fou illées, censées
correspondre à la pars urbana d' une vaste vi/la, som totalemem d ésaxées par rappo rt à la pars rustica mise en
évidence en 1999 (fig. 2). Cette désorganisation apparente est particulièrem ent remarquable, dans la m esure
où ce phénomène consti tue à ce jour un unicum dans la
documentatio n archéologique régionale, pourtant particulièrement étoffée grâce aux prospectio ns aériennes.
L'ensemble d es établ issements agricoles de statut com parable est en effet caractérisé par une disposition axiale
d es constructions 17.
17. Qudques exemples dans DEI.OR, 2002 : Arcy-sur-Cure, les G irelles
(p. 155, fig. 63-64), Asquins, C hamp des l!gIiscs (p. 16 1, fig. 78),
Revue Archéologique de l' Esi. 1. 53-2004. p. 239-252
e SAE 2005
249
En o utre, il apparaît que les seules struCtures fou illées
suscep tibles d 'être contemporai nes de la pan rustica, en
raison de leur orientation similaite, correspondent à la
phase la plus ancienne de la pars urbana, c'est-à-dire l' en,emble DG (fig. 2) (LAURENT, 1997; 1999). Bien
évidemment, il est possible d'arguer q ue cette dernière a
été reconstruite et que la pars rustica est restée en l'état.
Toutefois, on peine à comprendre que [a pars rUJt;ca n' ait
pas été reconsrruite avec une orientation similaire à la
partie résidentielle, ce que l'o n renCOntre généralement
sur les établissements ruraux de grandes dimensions.
O n pourrait éventuellem ent envisager une divagation du Ru du C reusot, qui aurait nécessité une réorientation de la partie résidentielle de l'établissement.
Cependant, la rOtation effectuée vers le sud-est ne
semble qu'accentuer un possible risque d'ino ndation p ar
ce d ern ier.
Un autre élément troublant réside dans le plan de la
.. pan urbana " d 'Escolives. Bien que ce type sur cour
soit relativement courant en l yonnaise cenrrale, o n ne
peut que co nstater l'absence de salle d 'apparat absidée,
très fréquente dans la région sur les établissements de
type .. villn aristocratique Il de la fin du H aut-Empire ou
de l'Antiquité tardive 18. En place et lieu, on ne
rencontre que des pièces de dimensions modestes, dont
le seul luxe réside dans la présence de quelques hypocaustes. De même, la désarticulation d e l'ensemble thermal , nettement séparé de la .. pars urbana ", demeure, en
l'état de la documentatio n, particul ièrement o riginale.
En Gaule du Nord , on ne semble guère trouver cette
disposition que dans la villa d 'Oberweis (VAN O SSEL,
1992, p. 264-266, nO58 et fig. 75).
Les seuls parallèles probants à cette disposition arch irecruraJe Ont été mis au jour en Sardaigne, à Muru de
Bangius (fig. 6 ) (ZUCCA, 1992) et en Grande-Bretagne, à
lydney Park (WHEELER, 1932, pl. 52). Dans les deux
cas, il s'agit d 'un bâtiment ordonné autour d 'une cour
centrale, entouré de petites pièces et possédant u n
ensemble thermal clairement séparé du corps p rincipal
Avrolles, Moulin à Vent (p. 224, fig. l B!), Blannay, les Quaniers
(p. 240, fig. 2 1!), La Chapelle-Vaupc1teigne (p. 2B!), fig. 2!)!).
18. Migen nes, c ャ ・Mmゥ、セイ@
O"AINTURJEll it "Iii, 198 1) ; La ChapelleVaupeheigne, Les Roches (DUCHATEL, 1970) ; Arcy-sur-Cure, Les
Girelles (DEI.OR, 2002, p. 155, fig. 64) ; Sennecey, Sens (STERN,
BL\NCHARD-lF.Mtt, 1975, p. 109- 112, LVUJ·LX) ; p イセエケ@
(STERN,
BU.NCHARD-LEMtt, 1975, p. 113) ; Coneva.Îx, Saint-Germain
(REBOURC, 1994, p. 392-393, fig. 177 et 180) ; Argilly (D AVID,
GoGUEY, 1982). On pourrai t multi plier les exemples.
250
MICHEl KAsPRZYK
blement contemporain de la pan rustica découverte par
à un prMtorÎum
public édifié dans le cou rant du h。オエ
セ eューゥ
イ ・@ en
bordure de l'axe important qu'est la voie d'Agrippa. On
comprendrait ainsi bien mieux les nombreux indices de
la présence de militai res et de fonctionnaires sur le site,
alors que des sites proches de statut et de dimension
comparable n'ont pas livré de tels indices 20. Enfin, la
présence de nombreux blocs en réemploi dans l'ensemble thermal tardif. sans qu'il so it possible de présager
de leur provenance exacte, devient moins problématique
si l'on envisage que cet ensemble de bâtimen ts appartienne au domaine public et non à un personnage privé.
o
J.-P. Delor. correspondent en réalité
ャセZ@
..••..
r. .
ISm
'""--- ----==
o
CONCLUSION
Fig. 6. Pr.lC! orium de Muru tU Bal/gius (Sardaigne),
d'aprhSE/TZ. 200/. &h. 1175f.T,
du bâtiment. À Muru de Ban gi us, une inscription de
l'époque antonine désigne ici le bâtiment comme étant
un prauorium. c'est·à-dire « une installation pour l'héエ@ en voyage, tels les
bergement des fonctionnaires 、 Gセエ。
courriers, les soldats, les administrateurs» (SElTZ, 2001,
p. 54). À Lydney Park, il est certain que le bâtimem ,
daté du IV'" siècle, ne saurait s'apparenter à une villa 19,
Cette séparation nen e de l'ensemble thermal et des
corps de bâtiments se retrouve d'ailleurs dans d'autres
exemples de pTlUtoria cl' époque romaine comme à
Kembs (FELLMANN, W OLF, 1993) ou Biesheim (SElTZ.
200I). La ressemblance frappante entre la
paYS
urbann • d'Escol ives et les constructions de Muru de
Bangius et Lydney Park incÎœ à penser que les 」ッ ョ ウ エイオ 」セ@
rions postérieures à l'espace DG. ャ オゥ セ ュ ↑ ュ・@
カ イ 。 ゥ ウ・ ュ「
ャ 。セ@
f(
19. Sur ce sile, vo ir les ohsel'Vlllio ns de GOCVEY, REool1, 1995. p. 26·29.
Le site romain d' Escolives-Sainte-Camille a livré un
lar relativemenr conséquenr de marériel lié à l'armée et à
la fonction publique de l'Empi re tardif, dans lequel la
plupart des types d'armes et d'équipemenr personnel
so nt attestés. Au vu de son importance, la présence sur le
si te de personnages liés à l'ttat semble indubitable.
L'étude du matériel permet de supposer que cette
occupation couvre, avec un antécédenr possible à la fin
du Haut-Empi re, une part importante du Bas-Empire.
Toutefois, les élémenrs clai rement datables 。ー
イエゥ ・ ョ セ@
nent exclusivement à l'Antiquité tardive.
La fon ction de cette occupation demeure plus difficile à établir. Si l'on admet q ue le site est une villa de
rype aristocratique, on peur peut-être y voi r un indice des
liens du propriétaire avec l'ttat et de la présence d' une
petite milice privée. En revanche, une ré-i nterprétation
du site comme étant un praelorium incite à penser que le
site est occupé par un détachement régulier de fonction naires et de militai res ayant pour fon ction de conuôler
un axe majeur des provinces de Lyonnaise 1 et IV.
20. À Migennes, cャ・Mmゥ
エ ゥセ イ ・L@
l'invem ai re exhaw;(i( du matl!rid effeclul!
courant 2003 n'a fail app:a.r:aitre qu'une seule fibule crudforme.
Revue Archéologique de l'Est, t. 53·2004, p. 239·252 C SAE 2005
MILITAI RES loT FONCTIONNAIRES DE L'ANnQUITt TARDIVE Jo, EscOLIVES-SAINTE-CAMILLE (YONNE) ?
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